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Pour la première fois, des chercheurs ont relié électroniquement les cerveaux d’une paire de rats, leur permettant de communiquer directement pour résoudre de simples énigmes de comportement. Ils ont notamment réussi a relié les cerveaux de ces deux animaux séparés par des milliers de kilomètres, un à Durham en Caroline du Nord, et l’autre à Natal, au Brésil.

Les résultats de ces projets indiquent la possibilité future de relier plusieurs cerveaux afin de former ce que l’équipe de recherche appelle, un "ordinateur biologique”, ce qui pourrait permettre le partage de l’information sensorielle et moteur entre des groupes d’animaux.

En ayant déterminé par de précédentes expériences que le cerveau des rats était en mesure de s’adapter facilement à accepter l’entrée de périphériques extérieures au corps et en constatant que le cerveau pouvait assimiler des signaux provenant de capteurs artificiels, les scientifiques se sont demandé s’il pouvait aussi assimiler des informations provenant de capteurs à partir d’un autre corps.

Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont d’abord entrainé des rats à résoudre un problème simple : appuyez sur le bon levier quand un voyant lumineux s’éclairait au-dessus de celui-ci, ce qui récompensait les rats avec une gorgée d’eau sucrée. Ils ont ensuite connecté les deux cerveaux des animaux avec des réseaux de microélectrodes insérées dans la zone du cortex moteur qui traite l’information.

L’un des deux rongeurs a été désigné comme l’animal "codeur". Cet animal recevait une indication visuelle désignant quel levier appuyer en échange d’une récompense. Une fois que le rat "codeur" appuyait sur le bon levier, un échantillon de son activité cérébrale, qui codait le comportement de sa décision, a été traduit dans un modèle de stimulation électrique qui a directement été transféré dans le cerveau du second rat, désigné comme l’animal “décodeur”.

Le rat décodeur disposait des mêmes types de leviers dans sa cage, mais il n’a reçu aucun indice visuel indiquant quels leviers utiliser pour obtenir une récompense. Par conséquent, pour recevoir la récompense tant convoiter, le rat décodeur devait s’appuyer sur les indices transmis par le codeur via l’interface cerveau-cerveau.

Les chercheurs ont ensuite procédé à des essais pour déterminer le taux de réussite du décodage des données par le cerveau du rat encodeur afin de choisir le bon levier. Le rat décodeur a finalement obtenu un taux de réussite maximal d’environ 70 %, soit légèrement en dessous du taux possible de réussite maximale de 78 % que les scientifiques avaient estimé comme réalisable.

Fait important, la communication prévue par cette interface cerveau-cerveau était dans les deux sens. Par exemple, le rat codeur ne recevait pas complètement sa récompense si le rat décodeur faisait un mauvais choix. Selon Nicolelis, le résultat de cette éventualité particulière a conduit à la création d’une “collaboration comportementale” entre le couple de rats.

Il rajoute :

Nous avons constaté que lorsque le rat décodeur commettait une erreur, l’encodeur a fondamentalement modifié à la fois la fonction et le comportement de son cerveau afin que son partenaire y arrive plus facilement. Le codeur a amélioré le rapport signal-bruit de son activité cérébrale qui représente la décision, ainsi le signal est devenu plus clair et plus facile à détecter. Et il a pris une décision rapide et claire pour choisir le bon levier à presser. Invariablement, lorsque le codeur a fait ces adaptations, le décodeur appliquait la bonne décision plus souvent, donc ils ont tous deux obtenu une meilleure récompense.

Dans une seconde série d’expériences, les chercheurs ont formé des couples de rats à faire la distinction entre une ouverture étroite ou large à l’aide de leurs moustaches. Si l’ouverture était étroite, ils devaient donner un coup de nez sur un bouton sur le côté gauche de leur cage pour recevoir une récompense, pour une large ouverture, ils devaient pousser un bouton sur le côté droit.

Les chercheurs ont ensuite divisé les rats en encodeurs et décodeurs. Les décodeurs ont été formés pour associer des stimulations sous forme d’impulsion avec le bouton de récompense gauche comme étant le bon choix, et une absence d’impulsions avec le bouton droit. Au cours des essais, durant lesquels le codeur a évalué la largeur d’ouverture pour ensuite transmettre le choix au décodeur, celui-ci a obtenu un taux de réussite d’environ 65 %, soit nettement au-dessus d’un facteur chance.

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Pour tester les limites de transmission de la communication cerveau-cerveau, les chercheurs ont placé un rat encodeur au Brésil, à l’Institut International de Neuroscience de Natal (ELS-EENN, et ont transmis ses signaux cérébraux sur Internet à un rat décodeur à Durham, en Caroline du Nord et ont constaté que les deux rats pouvaient encore travailler ensemble sur la tâche du choix tactile.

Selon Miguel Pais-Vieira, chercheur et premier auteur de l’étude :

Donc, même si les animaux étaient sur des continents différents, avec une transmission pas forcément claire et des retards de signaux, ils pouvaient continuer à communiquer. Cela nous indique qu’il pourrait être possible de créer un réseau de cerveaux d’animaux localisés dans de nombreux endroits différents.

Ces expériences ont démontré la capacité de mettre en place un lien direct de communication sophistiqué, entre les cerveaux de rats et que le cerveau décodeur fonctionne comme un dispositif de reconnaissance de formes. Donc, fondamentalement, nous créons un ordinateur biologique qui permet de résoudre un casse-tête.

Mais dans ce cas, nous ne rentrons pas d’instructions, mais seulement un signal qui représente une décision prise par le codeur qui est transmise au cerveau du décodeur qui doit trouver la façon de résoudre le puzzle. Donc, nous créons un simple système nerveux central constitué de deux cerveaux de rats.

Il a souligné que, en théorie, un tel système ne se limite pas à une paire de cerveaux, mais pourrait inclure un réseau de cerveaux, ou “Brain-net”. Les chercheurs travaillent actuellement sur des expériences pour relier plusieurs animaux pour résoudre, en collaboration, des tâches plus complexes.

En théorie, on pourrait imaginer que la combinaison de cerveaux pourrait apporter des solutions que les cerveaux individuels ne peuvent pas atteindre. Une telle connexion pourrait même signifier qu’un animal aurait incorporé un autre sentiment de “soi”.

En fait, nos études sur le cortex sensoriel des rats décodeur, dans ces expériences, ont montré que le cerveau du décodeur a commencé à représenter dans son cortex tactile non seulement ses propres moustaches, mais aussi celles du rat encodeur. Nous avons détecté des neurones corticaux qui ont répondu aux deux ensembles de moustaches, ce qui signifie que le rat a créé une deuxième représentation d’un second corps au-dessus de lui-même.

L’étude de ces adaptations pourrait conduire à un nouveau champ de recherche que Nicolelis appelle la “neurophysiologie de l’interaction sociale."

Ces expériences complexes seront réalisables en fonction de la capacité du laboratoire à enregistrer les signaux du cerveau à partir d’environ 2 000 neurones à la fois. Les chercheurs espèrent enregistrer l’activité électrique produite simultanément par 10 à 30 000 neurones corticaux au cours des cinq prochaines années.

Ces enregistrements cérébraux permettront un contrôle plus précis des neuroprothèses moteurs, telles que celles mises au point pour rétablir le contrôle moteur des personnes paralysées.

Ci-dessous, les explication du Dr Miguel Nicolelis :

L’étude a été publiée le 28 février 2013, dans Scientific Reports : A Brain-to-Brain Interface for Real-Time Sharing of Sensorimotor Information.

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