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Ampulex_Compressa4

D’un bleu et vert luisant (iridescent), la guêpe Ampulex compressa est surement une belle Ampulex_Compressademoiselle de la nature, mais son masque extérieur cache un cruel comportement. L’Ampulex compressa est la plus impressionnante des neurochimistes de la nature. À la base, il s’agit d’un parasite. La guêpe femelle pond ses œufs dans un hôte cafard et quand ils éclosent, les larves mangent la créature de l’intérieur.

On pourrait penser que le cafard s’oppose à cette idée, mais l’insecte attend patiemment son triste sort alors que les larves se transforment. Les blattes sont beaucoup plus grandes qu’une de ces guêpes adultes et pourraient certainement combattre pour se défendre, mais c’est là que l’ingénieuse manipulation neurochimique de la guêpe entre en jeu. Quand elle rencontre un hôte potentiel, les premières piqures des guêpes femelles visent l’abdomen du cafard afin de lui paralyser temporairement ses pattes de devant, cela permet à la guêpe de se percher précisément sur sa tête.

Ensuite elle pique à nouveau le cafard, cette fois pour lui délivrer son venin directement dans une partie de son cerveau appelée le ganglion sous-œsophagien. Cela ne tuera pas le cafard. Au lieu de cela, le produit injecté place le cafard dans un état de transe, il vient de se faire “zombifier”. Ci-contre : l’attaque de la guêpe parasite Ampulex compressa envers une blatte. (vidéo n’appartenant pas à l’étude).

Maintenant, le cafard a moins peur et perd la volonté de fuir. Cela permet à la guêpe de le conduire par ses antennes, comme un chien en laisse, vers sa tanière ou le cafard jouera le rôle de martyr pour la future progéniture de la guêpe. Ci-contre l’Ampulex compressa ramène le cafard déjà “zombifié” dans sa tanière (vidéo n’appartenant pas à l’étude).

Même si le cafard zombi est tout à fait capable de se mouvoir pendant les semaines qui passent entre le moment où il s’est fait piqué le cerveau jusqu’à l’arrivée de la couvée de la guêpe parasite qui se chargera de le dévorer vivant, l’insecte “zombifié” ne bougera pas. Ces guêpes ont élevé en une forme d’art la manipulation des neurones pour créer de parfaits incubateurs vivants.

Mais, bien que le cafard ait été rendu inoffensif, les futures guêpes peuvent être menacées par d’autres organismes. Les blattes sont vraiment de sales créatures et leurs entrailles abritent un ensemble de bactéries qui peuvent nuire aux vulnérables larves de la guêpe. La Serratia marcescens est l’une de ces potentielles menaces, une sorte de bactéries à coloration gram négatives observées dans les tissus des blattes. Ce sont les mêmes bactéries responsables d’un certain nombre d’infections urinaires chez l’homme. Chez les insectes, ses effets sont beaucoup plus mortels. Les bactéries possèdent un ensemble d’enzymes qui dégradent et percent les fragiles cellules larvaires. Les larves ne sont pas totalement sans défense et, comme une nouvelle étude publiée cette semaine le révèle (lien plus bas), les larves des guêpes stérilisent leur nourriture en sécrétant des composés antimicrobiens.

Pour de nombreux parasites hyménoptères, les micro-organismes constituent une importante préoccupation. Des études sur une autre guêpe, la Microplitis croceip, ont constaté que la contamination par la Serratia marcescens peut conduire à une réduction de la réussite de l’émergence du parasite de 25 % et même les jeunes qui survivent peuvent être infectés. Quand les adultes sont exposés à des bactéries, près de 80 % trépassent. L’Ampulex compressa doit se défendre contre cet ennemi mortel, ou payer le prix ultime.

Mais comment voulez-vous vous protéger contre des bactéries qui vivent à l’intérieur de votre nourriture ? Eh bien, comme nous le faisons, vous les stérilisez.

Gudrun Herzner et une équipe de l’Université de Regensburg, en Allemagne, ont remarqué que les larves de guêpes sécrètent des gouttelettes de leurs bouches qu’elles dispersent autour d’elles avant de se nourrir du cafard. Ils soupçonnaient que ces sécrétions tuaient les bactéries potentiellement mortelles, permettant aux larves de manger en paix. Les chercheurs ont testé l’activité antimicrobienne des sécrétions orales pour voir s’ils avaient raison.

Ci-dessous (à partir de l’étude, lien plus bas) : la sécrétion d’un produit de stérilisation sous forme de gouttelettes produit par les larves de la guêpe ampulex compressa à l’intèrieur d’un cafard.

Lorsqu’elles ont été ajoutées à des cultures bactériennes de la blatte, les gouttelettes ont tué une grande variété de bactéries, y compris les Serratia marcescens potentiellement mortelles . Mais l’équipe a voulu savoir plus exactement ce que contenaient ces gouttelettes. Ainsi, les chercheurs ont isolé les sécrétions afin de les analyser pour déterminer la nature de ces substances. Ils ont trouvé neuf composés jusque-là inconnus à partir des guêpes ou des cafards. En particulier, les sécrétions contenaient un pourcentage élevé de deux composés, un type de mellein (un phénol naturel) appelé (R) – (-)-mellein et un micromolide, un produit naturel qui pourrait détenir la clé pour traiter la tuberculose résistante à notre pharmacologie. Les deux composés ont montré une activité antibactérienne à large spectre et la combinaison des deux était particulièrement efficace.

Comme denier test, ils ont analysé les cafards parasités et non parasités pour y trouver ces composés. Depuis les cafards parasités, ce même mélange antimicrobien pouvait être extrait, mais pas de ceux non parasités. Ainsi, les scientifiques étaient convaincus que les larves de guêpe produisaient et d’utilisaient ces composés pour stériliser la nourriture de l’intérieur.

Ces séduisantes guêpes maitrisent la neurochimie, mais elles ont su briller par leur microbiologie pour devenir des parasites très compétents . Cette petite guêpe nous a permis d’avoir une très bonne vision du cerveau à travers l’étude de sa stratégie de zombification particulièrement efficace. Et maintenant, elle éclaire un autre domaine de la science. Cette étude est l’une des premières à suggérer que les larves parasites possèdent la capacité de se protéger contre des microbes pathogènes, mais les auteurs soupçonnent que de nombreuses espèces d’insectes pourraient disposer de stratégies similaires. Ces petites créatures peuvent s’avérer une ressource vitale pour les nouveaux produits naturels afin de lutter contre les maladies humaines. Qui sait qu’elles autres secrets pharmaceutiques sont gardés par des insectes comme cette guêpe et ce que leur arsenal chimique pourrait nous apporter pour traiter nos maladies.

L’étude publiée sur PNAS : Larvae of the parasitoid wasp Ampulex compressa sanitize their host, the American cockroach, with a blend of antimicrobials.

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