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Réveil-chirurgical

Le Guru espère que l’emploi du mot terreur est suffisamment fort pour exprimer l’horreur de se réveiller sur une table d’opération au mauvais moment… imaginez rentrer à l’hôpital pour une appendicite et reprendre conscience en pleine ablation, en entendant ce qui se passe autour de vous, et, si l’on ne vous a pas scotché les paupières, voir ce qui se passe et, dans le pire des cas, ressentir la douleur… mais attendez, le cauchemar ne s’arrête pas là ! Pour rajouter à votre peine, vous êtes incapable d’émettre le moindre son, ni de bouger la moindre partie de votre corps pour signaler votre sombre désarroi. Le guru ne se souvenait plus de ce type de condition médical, mais elle vient directement de rentrer dans son top 10 des choses à redouter le plus… même si elle est rare et bien mieux détectée aujourd’hui.

L’exemple plus haut correspond à l’histoire de Linda Campbell que détail, avec d’autres, Joshua Lang, une étudiante en médecine de l’Université de Californie Brekeley dans un article appelé Awakening (lien plus bas) de “Awarness” qui est le terme médical anglais pour l’éveil ou réveil peropératoire. Dans cet exemple en particulier, Linda Campbell avait 4 ans quand elle s’est fait opérer de l’appendicite en 1960. A cette époque, l’opération était pratiquée avec des produits anesthésiants (dans ce cas du gaz), des techniques et leurs instruments, beaucoup moins “évoluées” et moins fins (de grandes cicatrices).

L’opération s’est bien passée, mais une fois rentrée chez elle, son comportement avait changé… Alors, avant d’aller plus loin dans son histoire, il faut définir deux types de mémorisation qui peuvent être impliqués dans un cas de réveil peropératoire : la mémoire explicite qui désigne le fait qu’un patient récupère consciemment un évènement passé, il peut se le remémorer de façon consciente et décrire verbalement ce qui a été mémorisé. Et, il y a la mémoire implicite qui désigne le fait qu’un patient puisse exprimer une information sans avoir eu conscience de l’acquérir, ce qui a été le cas pour Linda. Donc, reprenons son histoire. Si calme auparavant, après sa sortie de l’hôpital elle se mit à jeter la nourriture de sa chaise d’enfant, à vomir de façon incontrôlable, à rentrer dans des crises d’humeurs devenant violentes au cours de la journée et à faire d’intenses cauchemars durant la nuit et cela continua ainsi malgré les multiples consultation auprès du milieu médical.

Ce n’est que 40 ans après, alors que Linda continuait à subir les plus importants symptômes de ce que nous pouvons désormais appeler un stress post-traumatique, tout en s’en accommodant, qu’elle découvrit l’origine de son mal. C’est par le biais d’une discussion avec un ami anesthésiste, dans laquelle elle évoquait les flashs, les cauchemars, ainsi que les bruits et les paroles qui lui revenaient constamment en tête, que celui-ci fit le rapprochement avec un réveil peropératoire. Linda comprit que quelque chose s’était passé durant son appendicectomie, elle s’était réveillée… Depuis, elle a profité d’une aide psychologique et tout est pratiquement rentré dans l’ordre…40 ans après.

Un autre exemple terrifiant décrit ainsi par Joshua Lang :

Dans la plupart des cas "d’Awareness" (réveil peropératoire), les patients sont éveillés, mais encore insensibles à la douleur. Mais ce n’était pas le cas pour Sherman Sizemore Jr., un pasteur baptiste et ancien mineur de charbon, qui était âgé de 73 ans quand il a subi une laparotomie exploratrice au début de l’année 2006 pour déterminer la cause d’une douleur abdominale récurrente. Dans ce type de procédure, les chirurgiens ont méthodiquement exploré les viscères du patient pour obtenir des preuves d’anomalies. Bien qu’il n’y ait pas de déclaration officielle de l’expérience par Sizemore, sa famille a maintenu, lors d’un procès, qu’il était réveillé et qu’il a senti la douleur tout au long de l’opération. (La plainte a été réglée en 2008.) Il aurait émergé de l’opération en se comportant de manière étrange. Il avait peur d’être laissé seul. Il se plaignait de ne pas pouvoir respirer et affirmait que les gens essayaient de l’enterrer vivant. Il refusait d’être accompagné de ses petits-enfants. Il souffrait d’insomnie, quand il pouvait dormir, c’était pour faire de violents cauchemars.

Personne n’a conseillé à Sizemore de chercher une aide psychiatrique et personne n’a mentionné le fait que des patients qui ont fait l’expérience d’un réveil peropératoire peuvent souffrir de trouble de stress post-traumatique. Le 2 février 2006, deux semaines après sa chirurgie, Sizemore s’est suicidé. Il n’avait aucun passé psychiatrique.

Bon, il faut vous rassurer ! Cela n’arrive aujourd’hui que dans 0,1 % à 0,2 % des cas et dans ces cas en particulier, 70 % n’auront que de très vagues souvenirs qui n’entraineront pas un trouble de stress post-traumatique.

Des instruments pour détecter un réveil peropératoire sont aussi désormais disponibles. A cause de leur grande taille, les IRM et autres scanner ne sont jamais utilisés en salle d’opération, mais d’autres technologies sont plus mobiles comme l’électro-encéphalographie (EEG). Quelques électrodes placées sur la tête du patient génèrent un électroencéphalogramme, une image de l’activité électrique du cerveau. Utilisé en concordance avec ce qui est appelé l’index bispectral (BIS), un paramètre complexe qui permet de définir la profondeur de l’anesthésie, les chirurgiens peuvent ainsi évaluer l’état de conscience de leur patient et intervenir si nécessaire.

A partir, et pour plus d’informations, l’article de Joshua Lang de l’Université de Californie à Brekeley : Awakening. L’étude : Mémorisation peropératoire (D. Chassard, F. Duflo1 B. Allaouchiche : Département d’anesthésie-réanimation, hôpital de l’Hôtel-Dieu Lyon) et Prevention of intraoperative awareness in a high-risk surgical population publiée sur le site de la SFAR.

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