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La plupart des gens aiment prendre des vacances de temps en temps. Certaines personnes, cependant, ne peuvent plus s’arrêter. La dromomanie, encore appelée folie du fugueur, fugue dissociative ou automatisme ambulatoire, se réfère à l’envie incontrôlable de voyager/se déplacer, un tourisme pathologique et il fit fureur en France entre 1886 et 1909.

L’homme qui a illustré la dromomanie pour la communauté médicale en Europe était un installateur de gaz de Bordeaux, un certain Albert Dadas. Il a été admis à l’hôpital Saint-André à Bordeaux en 1886, suite à son retour d’un voyage épique. Il était épuisé, bien sûr, mais aussi confus, vague et brumeux, il ne pouvait pas se rappeler où il avait été et ce qu’il avait fait.

Un jeune médecin de l’hôpital, Philippe Tissié, qui acquerra ensuite une certaine notoriété pour ses recherches, a réussi à reconstituer son histoire et la soumise à une revue médicale sous le charmant titre de : “Les Aliénés voyageurs ; Le Cas Albert.

Le voyage compulsif de Dadas aurait imagecommencé après qu’il ait illégalement quitté l’armée française près de Mons, en 1881. De là, il est allé à l’est de Prague, puis à Berlin, à travers ce qui était alors la Prusse orientale et enfin, à Moscou. Là, il fut arrêté, un tsar venait d’être assassiné et Dadas eu le malheur d’être pris pour un des responsables des membres d’un mouvement nihiliste et obligé de s’exiler en Turquie. Ce nouveau voyage était donc parfaitement adapté à sa maladie mentale… A Constantinople, il a été, en quelque sorte, sauvé par le consulat français et mis sur la route de Vienne, où il a retrouvé un emploi comme installateur du gaz . Ci-contre : Mr Dadas dessiné par Philippe Tissié. 

L’histoire de Dadas a inspiré plusieurs autres cas de dromomanie en France, à l’époque. Et si ce n’était pas une réelle épidémie, il semblait y avoir une épidémie de discussions concernant cette condition psychologique dans les milieux médicaux. La maladie s’est éteinte aux alentours de 1909, juste au moment où les “aliénistes” (les premiers psychiatres) ont commencé à l’étudier activement. L’aventure de Dadas semble également avoir lieu à un moment où la communauté médicale, certains entrainés par des pseudosciences comme l’eugénisme, s’est intéressée à l’analyse de toutes sortes de maladies mentales liée à de discrètes manies.

A la même époque, Dadas aurait également pu être considéré comme drapetomaniaque, qui n’a de malade que celui qui a inventé ce terme. Un médecin américain qui a absolument voulu poser un diagnostic sur les cas “d’obsession de fugue” chez les esclaves noirs… Une théorie qui finira dans les méandres obscurs de la pseudoscience raciste. A contrario, Dadas ne souffrait certainement pas de clinomanie, ce dont souffre bon nombre d’adolescents (…), un désir excessif de rester au lit et donc un refus de le quitter. Bien sûr, sa dromomanie aurait probablement été beaucoup plus facile à gérer pour lui s’il avait également souffert de cartacoethes, la compulsion à consulter des cartes partout. Et bien sûr tout cela n’a rien à voir avec l’ancienne épidémie de manie dansante.

L’étude du docteur Philippe Tissié consultable dans son intégralité sur la Bibliothèque numérique Medic@ : Les Aliénés voyageurs ; Le Cas Albert. Image d’entête : Forest Gump.

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