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Spaghettification

Un débat fait rage dans la communauté des physiciens qui ont pour passion les trous noirs et leur mécanisme. Depuis cet été, une étude révèle une théorie qui vient encore plus accentuer notre dramatique devenir, qui était déjà assez horrible, si nous plongions dans un trou noir.

Alice et Bob sont deux caractères fictifs appréciés à travers l’expérimentation en mécanique quantique. Alice est téméraire et n’hésite pas à plonger dans un très large trou noir, laissant bob en dehors de l’horizon des évènements, le point de non-retour d’un trou noir, derrière lequel rien ne peut s’échapper, même pas la lumière. Les physiciens estiment que si le trou est assez large, Alice ne remarquera rien de particulier alors qu’elle traversera l’horizon.

Ci-dessous : la place de l’horizon des évènements (Event Horizon) sur un trou noir. (À partir des premières images des faisceaux de particules au bord d’un énorme trou noir.)

Dans ce scénario, coloré baptisé "No Drama", les forces gravitationnelles ne deviendront extrêmes qu’une fois qu’elle approchera d’un point à l’intérieur du trou noir appelé la singularité gravitationnelle. Là, l’attraction gravitationnelle sera tellement plus forte sur ses pieds que sur sa tête, qu’Alice sera étirée comme un élastique, un phénomène qui porte bien son nom, la Spaghettification.

Maintenant, une nouvelle hypothèse n’arrange pas du tout le périple déjà au combien éprouvant de la pauvre Alice. Si cette alternative est correcte, alors qu’Alice traverse l’horizon des événements, elle rencontrera un énorme mur de feu qui va la brûler sur place. Aussi injuste que cela semble pour Alice, le scénario signifierait également qu’au moins une des trois notions chères à la physique théorique doit être fausse.

C’est là que le débat à lieu et beaucoup de physiciens lors de la parution de cette étude cet été, ont été d’abord très sceptiques. Après moult débats par documents de recherche interposés, ils se sont rendu compte que cela avait tout l’air d’un parfait et fin paradoxe.Les paradoxes en physique sont aussi une manière de clarifier des questions essentielles.

Au cœur de cette énigme se trouve notamment un conflit entre trois postulats fondamentaux soutenus par de nombreux physiciens. La première, fondée sur le principe de l’équivalence de la relativité générale, conduit au scénario “No drama” : Parce que Alice est en chute libre, alors qu’elle traverse l’horizon et il n’y a pas de différence entre la chute libre et le mouvement d’inertie, elle ne devrait pas ressentir les effets extrêmes de la gravité. Le second postulat est l’unitarité, l’hypothèse (conformément à un principe fondamental de la mécanique quantique), selon laquelle l’information qui tombe dans un trou noir n’est pas irrémédiablement perdue. Enfin, il y a ce qui pourrait être décrit comme la “normalité”, à savoir que la physique fonctionne comme prévu loin d’un trou noir, même si elle part en lambeaux à un moment donné dans le trou noir, soit à la singularité ou à l’horizon des évènements.

Selon l’auteur principal de cette nouvelle théorie, Joseph Polchinski, un théoricien des cordes à l’Université de Californie, la solution la plus simple est que le principe d’équivalence se désagrège à l’horizon des évènements, ce qui donne lieu à un mur de feux. Polchinski pense que l’idée est un peu folle, mais elle témoigne de la complexité du problème et le mur de feu semble, pour lui, la solution la moins radicale possible.

La mort d’Alice par le feu semble destinée à rejoindre les rangs des expériences de pensée classique en physique. Plus de physiciens voudront en savoir davantage sur la gravité quantique, plus différente elle sera de notre image actuelle du fonctionnement de l’univers, les obligeant à sacrifier, l’une après l’autre, leur théorie tant soutenue sur l’autel du progrès scientifique. Ils doivent maintenant choisir de sacrifier l’unitarité ou le “No drama”, ou procéder à une modification radicale de la théorie quantique des champs. Ou peut-être que c’est tout simplement une erreur… Dans tous les cas, les physiciens apprendront quelque chose de nouveau.

L’étude dans son intégralité sur Arxiv : Black Holes: Complementarity or Firewalls? et l’étude de Leonard Susskind : Singularities, Firewalls, and Complementarity.

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