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Cotesia rubecula

Une chenille dévore une feuille de chou et déclenche une alarme. La plante libère des produits chimiques dans l’air, signalant qu’elle se fait attaquer. Cette alarme est interceptée par une guêpe qui pique la chenille et y implante ses œufs. Quand elles éclosent, les larves des guêpes dévorent leur hôte de l’intérieur, puis, si tout se passe bien, s’extraient de la chenille pour tisser leur cocon et se transforment en adultes*. Le chou (et ceux qui l’entourent) est sauvé et la guêpe, qui appartient aux parasitoïdes en raison de ses funestes habitudes de s’approprier le corps des autres, entame la prochaine génération.

Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire.

Certaines guêpes parasites sont des “hyperparasitoides", elles ciblent d’autres guêpes parasitoïdes. Elles peuvent aussi sentir les produits chimiques de l’alarme du chou, de sorte qu’elles peuvent trouver les chenilles infectées. Quand elles le font, elles pondent leurs œufs sur les larves ou les chrysalides de guêpes qu’elles trouvent. Leur jeune dévorer les jeunes de l’autre qui voulait être parasites, dans un ensemble hiérarchisé caractérisé par un exemple que le Guru a déjà utilisé, les poupées gigognes. C’est comme un croisement entre le film Alien et Inception…

Erik Poelman de l’Université de Wageningen aux Pays-Bas a étudié l’un de ces réseaux macabres : les chenilles du papillon blanc, la piéride du chou, sont attaqués par deux guêpes parasitoïdes, la Cotesia rubecula (image d’entête) et la Cotesia glomerata, qui sont à leur tour attaqués par l’hyperparasite Lysibia nana.

*Ci-dessous : une chenille contrôlée par les larves de la guêpe parasitoïde Cotesia glomerata. Les guêpes pondent leurs œufs dans les chenilles confiantes. Quand les larves éclosent, elles mangent littéralement leur hôte de l’intérieur. Mais ce qui est encore plus incroyable, c’est que l’hôte infortuné se transforme en un garde du corps mort-vivant (comme certaines coccinelles zombies), pour protéger les jeunes guêpes même après qu’elles se soient repues sur les organes internes de la chenille.  La victime, en grande partie mangée, fabriquera même une toile en soie au-dessus des larves de guêpes fraichement sorti qui se sont juste régalées de sa chair dans un acte final de dévotion avant qu’elle ne meure. Quel charme chimique les larves utilisent-elles sur leur hôte pour instiller une telle fidélité ? cela reste un mystère.

cotesia_glomerata

Cotesia glomerata-larves
La L.nana pond un œuf dans toutes les larves de guêpe ou de pupe qu’elle trouve. La C.rubecula produit un ver énorme, mais elle n’en pond qu’un seul dans chaque chenille. La C.glomerata est le meilleur choix pour être l’hôte de sa larve plus petite, elle offre moins de place pour la descendance de la L.nana, mais elle en implante entre 20 et 40 dans la même malheureuse chenille. Si la L.nana peut trouver l’un de ces groupes, elle peut parasiter une énorme couvée de larves de guêpe en une seule visite. Et elle peut les trouver grâce au chou.

Alors que les larves parasitoïdes se développent dans une chenille, elles suppriment le système immunitaire de leur hôte et contrôlent sa croissance et son métabolisme pour leur propre bénéfice. Comme effet secondaire, elles changent aussi les produits chimiques dans la salive de la chenille. La C.glomerata le fait bien plus que la C.rubecula et le chou réagit aux cocktails salivaires distincts en libérant différents mélanges de produits chimiques d’alarme. Le mélange produit en réponse à une chenille parasitée par la C.glomerata partage seulement 40 % de ses ingrédients avec celle produite par une chenille parasitée par la C.rubecula.

Et la L.nana peut sentir la différence entre les deux. Dans les expériences de laboratoire, Poelman a constaté qu’elle était particulièrement attirée par l’odeur de choux qui avaient été attaqués par des chenilles parasitées par la C.glomerata, son hôte préféré.

Sur le terrain, les larves de C.glomerata ont eu la vie difficile. En trois ans, Poelman a recueilli des milliers de cocons de deux parasitoïdes d’un champ de plants de choux. Quatre espèces d’hyperparasite ont ciblé ces guêpes. Collectivement, ils ont pondu, dans 5 à 15 % des cas, dans une couvée de C.rubecula, mais de 20 à 55 % dans celle de la C.glomerata.

Il est possible que la C.rubecula soit relativement indétectable, car elle aurait un mode furtif. Peut-être qu’elle a évolué de telle sorte qu’elle modifie à peine les produits chimiques salivaires de ses chenilles, "pour ne pas se révéler aux hyperparasites”, dit Poelman. C’est encore une hypothèse. Mais il y a un début de preuve : la C.rubecula a été accidentellement introduite aux Etats-Unis à partir de l’Europe et là, elles se sont fait “hyperparasiter” beaucoup plus régulièrement. Peut-être qu’elle n’a pas eu le temps de faire évoluer son invisibilité chez les chenilles en Amérique du Nord.

Et que dire du chou ? Poelman écrit qu’il est pris entre le marteau et l’enclume. En libérant des substances chimiques qui attirent les parasitoïdes, elles invoquent également les hyperparasites, qui peuvent être des gardes du corps bien utiles !

Il reste à voir comment ces pressions concurrentes de l’évolution affectent le déploiement de ses alarmes chimiques et il est important de le découvrir. Après tout, certains scientifiques agricoles essayent d’utiliser des produits chimiques qui simulent l’alarme de plantes pour attirer les guêpes parasites qui peuvent les aider à lutter contre les insectes ravageurs. Mais cette stratégie pourrait échouer si elle attire aussi de nombreux hyperparasites.

Et cela peut être plus compliqué. Certains hyperparasites pondent leurs œufs dans d’autres hyperparasites ! “Un ennemi commun d’un hyperparasitoïde est donc un autre hyperparasitoïde. Cela peut inclure d’autres femelles de la même espèce”, dit Poelman. Une chenille peut jouer l’hôte de deux, trois, peut-être même quatre niveaux de parasites.

L’étude publiée sur Plos Bio : Hyperparasitoids Use Herbivore-Induced Plant Volatiles to Locate Their Parasitoid Host.

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