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Pour les humains, les yeux sont bien plus que des fenêtres sur le monde extérieur. Ils sont aussi des portails vers l’intérieur, en fournissant aux autres des aperçus de nos pensées et de nos sentiments.

De tous les primates, les yeux de l’homme sont les plus visibles, nos yeux nous permettent de voir, mais ils sont également destinés à être vus. Nos iris colorés flottent dans un cercle noir sur un fond blanc. Ce contraste de couleur n’est pas trouvé dans les yeux de la plupart des grands singes.

Selon une idée, appelée l’hypothèse de l’œil coopératif, les traits distinctifs visibles qui aident à mettre en valeur nos yeux ont évolué, en partie pour nous aider à suivre les regards lors de la communication ou lors d’un travail commun nécessitant un contact étroit.

Dans une nouvelle étude qui comprend l’un des premiers tests directs de cette théorie, les chercheurs de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive en Allemagne ont observé ce que les mouvements de la tête et des yeux ont eu comme effet dans la réorientation du regard des grands singes en les comparants à ceux de nourrisson humains.

Dans l’étude, un expérimentateur humain effectue une des opérations suivantes :

  • Il ferma les yeux, mais pencha la tête vers le plafond
  • Garda la tête stationnaire tout en regardant le plafond
  • Regarda le plafond avec la tête et les yeux
  • Garda la tête stationnaire en regardant droit devant

Les résultats ont montré que les grands singes, dont 11 chimpanzés, quatre gorilles et quatre bonobos, étaient plus susceptibles de suivre le regard de l’expérimentateur quand il déplaçait seulement sa tête. En revanche, les 40 enfants humains levèrent les yeux plus souvent lorsque l’expérimentateur déplaçait seulement ses yeux.

Les résultats suggèrent que les grands singes sont davantage influencés par la tête que les yeux en essayant de suivre le regard de l’autre, alors que les humains sont plus dépendants des yeux dans les mêmes circonstances.

Les comparaisons des yeux humains à ceux des autres primates montrent plusieurs différences subtiles qui contribuent à nous démarquer. Par exemple, l’œil humain ne dispose pas de certains pigments trouvés dans les yeux des primates, ainsi la membrane extérieure, ou sclère de notre globe oculaire est blanche. En revanche, la plupart des primates ont une sclère uniformément brune ou aux teintes sombres, ce qui rend plus difficile de déterminer la direction dans laquelle ils regardent.

Une autre aide subtile qui nous permet de déterminer où une autre personne regarde, c’est le contraste de couleur entre notre peau du visage, la sclérotique et l’iris. La plupart des singes ont un faible contraste entre les yeux et la peau du visage.

Les humains sont aussi les seuls primates dont le contour de l’œil et la position de l’iris sont clairement visibles. En outre, nos yeux sont plus allongés horizontalement et disproportionnés par rapport à la taille de notre corps face à la plupart des singes. Les gorilles, par exemple, ont des corps massifs, mais des yeux relativement petits. L’hypothèse de l’œil coopératif explique ces différences comme des traits qui ont évolué pour faciliter la communication et la coopération entre les membres d’un groupe social. Elle a son importance, par exemple, chez les mères et les nourrissons humains qui sont fortement tributaires d’un contact avec les yeux lors de leurs interactions. Une étude a révélé que les bébés humains regardent le visage et les yeux de la personne qui s’occupe d’eux, deux fois plus longtemps en moyenne par rapport aux autres grands singes.

D’autres idées ont également été proposées pour expliquer pourquoi les humains ont des yeux aussi visibles. Par exemple, la sclérotique blanche pourrait signaler la bonne santé et donc d’aider à montrer aux autres notre potentiel en tant que partenaire.

Ou, comme une autre étude récente l’a suggéré, cette visibilité des yeux pourrait être importante pour la promotion de la coopération et des comportements altruistes chez les personnes qui bénéficient du groupe. Cette étude, menée par Haley et Daniel Fessler, de l’université de Californie à Los Angeles, a constaté que les gens étaient plus généreux et donnaient plus d’argent s’ils estimaient qu’ils étaient observés, même si les yeux attentifs étaient juste des dessins ressemblant à des yeux sur un écran d’ordinateur.

Michael Tomasello, qui a dirigé l’étude, et son équipe note dans leur article que “ces hypothèses ne s’excluent pas mutuellement et les yeux très visibles peuvent servir toutes ces fonctions”. Si elle est correcte, l’hypothèse de l’œil coopératif pourrait fournir de précieux indices sur le moment où nous sommes devenus les êtres sociaux que nous sommes.

selon Tomasello et ses collègues :

Il serait particulièrement utile de savoir quand, dans l’évolution, les yeux de l’homme sont devenus si “voyants”, cela pourrait indiquer une date possible pour l’origine des formes typiquement humaines de coopération et de communication.

L’étude publiée sur le Journal of Human Evolution : Reliance on head versus eyes in the gaze following of great apes and human infants: the cooperative eye hypothesis.

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