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C’est ce que peuvent être amenés à penser certains biologistes évolutionnistes sains de corps et d’esprit…

C’est un pénis qui est présenté dans cette photo et il appartient à la bruche, un petit coléoptère. Et juste au cas où vous auriez l’intime espoir que son apparence soit trompeuse et bien, elle ne l’est pas. Ces pointes sont dures et piquantes et elles infligent de graves blessures aux coléoptères femelles pendant l’activité sexuelle. Pourquoi ce douloureux appendice a t’il évolué sous cette forme ?

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Ce n’est d’ailleurs pas uniquement le problème de ce coléoptère. Le règne animal est plein de pénis aux formes déconcertantes, ornées d’épines, de pointes, de spirales et de virages tortueux, auxquels nous avons échappé de justesse. Dans certains groupes d’insectes, comme certaines mouches, la forme du pénis est le seul indice qui permet aux scientifiques de faire la distinction entre des espèces étroitement apparentés.

Pour un mâle, la reproduction n’est pas seulement liée à la pénétration. Après l’éjaculation à l’intérieur d’une femelle, son sperme doit encore se frayer un chemin vers ses œufs pour les fertiliser et ainsi transmettre ses gènes. Si elle s’accouple avec de nombreux prétendants, son corps devient un champ de bataille où les spermatozoïdes des différents mâles s’affrontent. Les femelles peuvent soit influencer cette compétition en effectuant une sélection drastique de leurs futurs compagnons, soit en stockant le sperme dans des sachets spéciaux, ou par l’évolution de leurs propres voies génitales dans des formes alambiquées. Les mâles, quant à eux, ont développé leurs propres trucs, y compris : un comportement de gardiennage, l’auto-castration, du sperme en barbelé qui s’accroche dans une femelle, des armes chimiques dans leur sperme, une insémination traumatique où une femelle ne disposant pas d’un orifice, le mâle se charge de lui en crée un et le fait d’avoir beaucoup de sperme.

Et il y a le pénis en épi de la bruche (Callosobruchus maculatus) sous l’oeil d’un microscope électronique, ci-dessous.
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Goran Arnqvist de l’Université d’Uppsala (Suède) a étudié le cauchemardesque pénis de la bruche, Callosobruchus maculatus, pendant des années, l’utilisant comme modèle pour comprendre plus généralement les pressions de l’évolution qui prennent forme dans les divers organes génitaux des animaux. En 2009, lui et sa collègue Cosima Hotzy ont constaté que les mâles avec les plus longs piquants fécondaient davantage les femelles et étaient le plus souvent les pères de la jeune progéniture, mais ils ne savaient pas pourquoi. Peut-être qu’ils l’aident à s’ancrer à la femelle, ou à se débarrasser, par frottement, du sperme rival. Mais le fait que les épines puissent percer la femelle est également important. Quoi qu’il en soit, les longues épines semblaient donner à la semence des mâles un avantage dans cette compétition.

Mais Hotzy et Arnqvist trouvèrent seulement une corrélation, en comparant les pénis des bruches mâles du monde entier. Pour vraiment tester leurs idées, ils ont voulu délibérément changer la longueur des pointes pour constater l’effet que cela pourrait avoir.

Ils l’ont fait de deux manières : en élevant artificiellement des mâles sur plusieurs générations pour avoir, par le biais d’une sélection, soit des épines plus longues ou plus courtes et en les rasant (les épines) avec un laser. Les deux techniques ont produit des mâles avec des épines de tailles différentes, mais des individus et des organes reproducteurs de taille similaire.

Les chercheurs ont constaté que les mâles avec de courtes épines étaient en effet moins susceptibles de féconder les femelles. Ils ont également trouvé des indices quant aux raisons pour lesquelles les mâles bénéficient de leurs longues épines. Les individus à courtes et à longues épines ont pris le même temps pour s’accoupler avec les femelles et ont éjaculé la même quantité de sperme, ce qui éloigne l’idée que les épines sont utilisées comme point d’ancrage pour prolonger l’acte sexuel.

Au lieu de cela, Hotzy et Arnqvist ont constaté que les épines percent ou érodent les voies génitales de la femelle, ce qui permet au sperme de s’infiltrer dans son sang. Les deux biologistes ont marqué le sperme des mâles avec un produit chimique faiblement radioactif afin qu’ils puissent suivre ses allées et venues à l’intérieur de la femelle. Ils ont constaté que près de 40 % du sperme se retrouve en dehors de l’appareil génital de la femelle, dans d’autres parties de son corps. Et plus le pénis était épineux, plus grande était la fuite.

En quoi cela aiderait ? Les spermatozoïdes ne fertilisent bien évidement pas les femelles par l’intermédiaire de leur sang, mais le liquide séminal contient plus que des spermatozoïdes, c’est aussi un cocktail de produits chimiques qui peut influencer le comportement. Certains rendent la femelle plus réceptive à l’accouplement, d’autres semblent induire la ponte. Pour cette bruche, comme dans beaucoup d’autres insectes, l’éjaculation est un acte de manipulation ainsi que de fécondation.

Cette explication est logique, mais, pour Hotzy et Arnqvist  il y a encore des points à éclaircir. Leurs femelles ont pondu le même nombre d’œufs qu’elles se soient accouplées avec des mâles aux longues ou aux courtes épines et elles étaient tout aussi susceptibles de s’accoupler à nouveau. Il est donc difficile de confirmer que les substances contenues dans le sperme du mâle ont une incidence sur le comportement de la femelle et que les épines envoient ces substances dans le sang plus efficacement, mais nous ne savons toujours pas exactement ce qu’elles font, ni comment elles avantages les mâles.

L’étude publiée sur Current Biology : Phenotypic Engineering Unveils the Function of Genital Morphology.

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