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Heterorhabditis bacteriophora- larve insecte

Bein alors là, si je ne vous fais pas voyager avec des titres comme ça… mais en même temps, si on y regarde de plus près.. Cet autre monde minuscule… Les insectes sont là depuis près de 400 millions d’années. C’est assez de temps pour que l’évolution mette en place, pour eux, d’innombrables et horribles formes de mort. Par exemple : certains insectes meurent parce qu’un petit ver vomit des bactéries luisantes à l’intérieur de leur corps.

Ce ver c’est l’Heterorhabditis bacteriophora, une créature microscopique utilisée par les jardiniers du monde entier pour contrôler les insectes nuisibles. Son complice insecticide est une “brillante” bactérie appelée Photorhabdus luminescens, qui ne vit que dans les entrailles du ver, vous l’avez peut-être déjà découvert dans un de mes articles dont je ferais référence plus bas.

Image d’entête : des vers Heterorhabditis bacteriophora qui s’extraient par millier d’une larve d’insecte en piteux état.

Lorsque le ver s’infiltre dans un insecte, il vomit les bactéries. Elles se reproduisent sans dépasser la vitesse de la lumière, mais presque… et elles produisent des toxines qui tuent les insectes, convertissant ses cellules mortes en nutriments qui nourrissent le ver. Les bactéries produisent aussi des acides aminés dont le ver a besoin pour se reproduire et des antibiotiques qui tuent les bactéries qui tentent de coloniser l’insecte. Pendant la guerre de Sécession américaine, les soldats ont parfois été contaminés par la P.luminescens, qui ont donné à leurs blessures un mystérieux éclat bleu et les ont protégés d’un empoisonnement sanguin.

Ce troublant partenariat repose sur une transformation saisissante. Dans le ver, la P.luminescens vit une existence de procrastinatrice, elle ne fait presque rien. Elle est minuscule et extrêmement robuste, elle forme des petites colonies et elle se développe si lentement qu’elle pourrait aussi bien être en dormance. Il s’agit de la forme M (M-form). Une fois à l’intérieur d’un insecte, elle se transforme tel Bruce Banner en Hulk. Ses cellules deviennent plus grandes, ses colonies s’agrandissent, elles brillent avec plus d’éclat, et elles deviennent violentes et destructrices. Elles déclenchent un torrent de produits chimiques, qui tuent les cellules des insectes et diverses bactéries, et d’autres substances qui stimulent le développement des vers. Il s’agit de la forme P.

Ci-dessous : image tirée de l’étude, Photorhabdus luminescens avec la forme M  (petites colonies -dormance) et avec la forme P (grosses – agressives).

Photorhabdus luminescens-avant-après

Encore récemment, les scientifiques n’avaient pu observer que le forme P et ont supposé que c’était l’apparence par défaut de la bactérie. Mais Vishal Somvanshi de l’université américaine de l’état du Michigan, a découvert que les deux forment sont importantes, l’une pour détruire les insectes et l’autre pour le partenariat avec les vers. Qui plus est, il a constaté que le changement des bactéries, entre les deux états, se faisait en utilisant un simple interrupteur génétique, un petit morceau d’ADN qui peut varier entre deux positions pour tout faire basculer.

Cette partie d’ADN est connue, il s’agit d’un promoteur, un morceau d’ADN qui passe sur les gènes voisins. Dans un sens, il agit très peu. Dans l’autre, il active un ensemble de gènes qui produisent des fils, comme des cheveux, sur la surface des bactéries. Ces fils permettent aux microbes de s’accrocher aux entrailles de leurs partenaires, les vers, à vie, sans fin… Si le gène est positionné sur la position “OFF”, les bactéries restent dans leur forme P qui tuent les insectes. Si le commutateur bascule en position "ON", elles se convertissent en dormeuses collantes, avec la forme M. une simple volte-face, qui fait la différence entre la coopération avec un animal et le conflit avec un autre.

Les variations de ce gène “bouton” se produisent tout le temps et de façon aléatoire, créant un mélange des deux, la forme M dormante et l’active forme P. L’équilibre entre ces versions dépend de l’environnement où se trouvent les bactéries. Les changements, de la forme P à la forme M, se produisent 30 fois plus souvent que le contraire, mais elles grossissent aussi beaucoup plus rapidement. Dans les cultures de laboratoire, ou dans le corps d’un insecte, elle dépasse son double plus docile. Mais dans un ver, la forme M a l’avantage et prend le relais.

A la différence d’un Dr Jekyll qui était de temps en temps son double sarcastique, Mr Hyde, la P.luminescens présente les deux côtés de son caractère tout le temps. Cela permet de laisser à son environnement lui dicter quelle forme sera à la hauteur de la situation.

L’étude publiée sur Science : A Single Promoter Inversion Switches Photorhabdus Between Pathogenic and Mutualistic States.

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