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Même si la plupart des araignées sont inoffensives pour vous, humain… de nombreuses personnes souffrent d’une peur paralysante face à cette créature. Imaginez, alors, ce qu’une sauterelle doit se ressentir. Ces insectes ne peuvent ignorer la menace de crocs venimeux. C’est un danger perpétuel qui modifie chimiquement leurs corps, provoquant des changements qui se propagent à travers tout un écosystème.

Dror Hawlena, de l’Université de Yale (États-Unis), a constaté à quel point cela impacte la nature environnante. Dans une élégante expérience, il a montré que la peur, inspirée par les araignées, peut s’étendre dans le sol, affectant la rapidité avec laquelle se désintègre la litière de feuilles.

Hawlena a élevé des sauterelles (Mélanople à pattes rouges – Melanoplus femurrubrum) dans des enclos extérieurs (image ci-dessous), d’un demi-mètre de large. La moitié des enclos contenait une seule nurserie d’araignée, dont les pièces buccales avaient été fermées par une colle temporaire, de sorte qu’elles ne pouvaient pas réellement tuer l’une des sauterelles. Leur présence, cependant, a été ressentie.

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À partir d’études antérieures, nous savons que les insectes proies accumulent des hormones de stress et connaissent des taux métaboliques plus élevés lorsque les prédateurs sont de la partie. Cela leur fait consommer beaucoup d’énergie, de sorte que les animaux stressés ont tendance à manger davantage de nourriture riche en glucides, à haute teneur en carbone. Ils dépensent aussi moins d’énergie pour la croissance ou la reproduction et mangent ainsi des aliments relativement moins riche en protéines, riche en azote. C’est exactement ce que Hawlena a trouvé avec ses sauterelles, la proportion de carbone, par rapport à l’azote, était 4 % plus élevée chez les insectes stressés, que ceux non menacés.

Image tirée de l’étude : partie supérieure, araignée Pisaurina mira; partie inférieur, sauterelle Melanoplus femurrubrum (Dror Hawlena).

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Quand les sauterelles sont mortes, Hawlena a enterré leurs cadavres dans des pots de terre dans son laboratoire, pour les laisser se décomposer pendant 40 jours. Il a ensuite ajouté des plantes mortes au sol et a utilisé des lasers pour mesurer la rapidité avec laquelle le carbone, de leurs sucres et les protéines, était transféré dans les minéraux ou d’autres composés. Ce “taux de minéralisation” reflète la rapidité avec laquelle les plantes se sont décomposées.

4 mois après, Hawlena a constaté que les plantes mortes se décomposaient trois fois plus rapidement dans les sols ensemencés par des sauterelles non stressées, par rapport à ceux parsemés d’insectes stressés. La petite différence dans leur composition chimique était suffisante pour entraver la désintégration des plantes qui partagent le même sol. Lorsque Hawlena a répété son expérience dans la nature sauvage, en enterrant les sauterelles dans des parcelles de terrain, il a trouvé les mêmes résultats (mais avec une petite différence dans le taux de décomposition).

Est-il plausible que cette petite différence de produits chimiques, chez les sauterelles, en entraine une plus grande dans le taux de croissance des plantes ? Selon Hawlena, même un peu d’azote supplémentaire dans le sol peut attirer des microbes qui décomposent les plantes et les animaux morts. En fournissant moins d’azote, les insectes effrayés entravent le processus de décomposition.

Pour tester cette idée, il a créé des “sauterelles artificielles", des paquets de chitine (la substance qui compose les coquilles d’insectes), du sucre et des protéines dans les mêmes proportions que l’on retrouve dans un réel insecte. Il a seulement modifié le carbone et l’azote dans ces “mannequins” pour refléter celles de vraies sauterelles. Il a obtenu les mêmes résultats que précédemment : les paquets destinés à simuler les insectes non stressés ralentissaient la décomposition de la litière végétale par rapport à ceux qui sont censés ressembler à ceux stressés.

Des expériences comme celles-ci, nous rappellent les rôles cruciaux que jouent les prédateurs et pas seulement en tuant des insectes. Leur simple présence peut avoir de surprenants effets induits. La peur et le stress qu’ils inspirent ne sont pas seulement des états temporaires qui vont et viennent. Ils sont les forces qui font partie du paysage naturel. Ils régissent la composition chimique des animaux vivants et la nature de leur environnement, souvent de manière inattendue.

La recherche publiée sur Science (AAAS) : Fear of Predation Slows Plant-Litter Decomposition.

Via Nature : Stressed grasshoppers slow plant decay.

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