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Hyles lineata2

Jusqu’à, il y a environ 140 millions d’années, les dinosaures se frayaient un chemin à travers un monde végétal uniformément vert. Ce qui est arrivé ensuite est l’une des plus grandes réussites dans l’histoire de l’évolution, annonçant un nouveau type de relation écologique qui allait transformer la planète : Les premières fleurs sont apparues, en compétition pour obtenir l’attention des animaux, afin qu’ils leur rendent visite et distribuer leur pollen vers d’autres fleurs pour assurer la propagation de la plante.

Les myriades de façons dont les fleurs attirent les pollinisateurs ont été étudiées depuis le début de la biologie et peu de relations écologiques entre des organismes sont aussi bien connues que celle entre les plantes et leurs pollinisateurs.

Les 2 images, en entête et ci-dessous : sphinx orangé (Hyles lineata).

Malgré des décennies de recherche, une équipe dirigée par Martin von Arx du laboratoire d’entomologie de Goggy Davidowitz (le coauteur) à l’Université d’Arizona, a maintenant découvert un canal sensoriel, jusque-là inconnu, qui est utilisé dans les interactions plante-animal.

Un papillon, le sphinx orangé (Hyles lineata), l’espèce la plus commune de sphinx en Amérique du Nord, peut détecter des différences infimes dans l’humidité de l’air, lors du survol à proximité d’une fleur, qui lui indique s’il y a assez de nectar à l’intérieur pour en justifier sa visite.

Hyles lineata3

Les résultats constituent le premier cas documenté d’un pollinisateur utilisant l’humidité comme une indication directe dans son comportement de butinage et sont publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (lien plus bas).

"Traditionnellement, la plupart des recherches sur les interactions plantes-pollinisateurs ont mis l’accent sur ​​des indices statiques comme l’odeur, la couleur ou la forme florale," selon von Arx. "Pendant tout ce temps, l’évaporation du nectar était juste sous notre nez, mais peu de gens l’ont étudié. Nous avons pu montrer que les insectes perçoivent réellement ce signal, et il leur permet d’évaluer directement la récompense qu’ils pourraient obtenir de la fleur. "

Pour un sphinx s’exposant au crépuscule pour chercher le nectar des fleurs portées par l’une de ses plantes favorites, l’onagre morillon (Oenothera cespitosa), d’être en mesure de rapidement dire si une fleur en vaut le détour, peut faire la différence entre la vie et la mort de l’insecte.

Ci-dessous : le ralenti d’une femelle Sphynx (Manduca sexta), sirotant un nectar d’une fleur de rhododendron.

Planer à l’avant d’une fleur, alors qu’il la sonde avec sa longue trompe, est l’un des modes de vol les plus couteux en terme d’énergie, explique von Arx. Et une fois que l’insecte plonge sa tête au fond pour atteindre tout le nectar, il est très vulnérable aux prédateurs tels que les chauves-souris.

Le coût métabolique, de ce type de vol, pour le sphinx est plus de 100 fois supérieur a celui d’un papillon au repos. C’est le mode le plus couteux de locomotion jamais mesurée. Un sphinx peut passer 5 à10 secondes pour évaluer si une fleur a du nectar, multipliez ce chiffre par des centaines de fleurs visitées par nuit et le papillon dépense une quantité énorme d’énergie pour la recherche du précieux liquide, qui peut ne pas être là. L’économie d’énergie, en évitant un tel comportement, peut permettre au papillon d’avoir plus d’œufs. Pour un papillon de nuit qui ne vit que durant une semaine, c’est très important. De plus ils sont plusieurs à butiner lorsque les fleurs s’ouvrent en quelques minutes au coucher du soleil.

L’équipe de recherche à d’abord mesuré les niveaux d’humidité autour d’une fleur à nectar en enfermant les plantes dans un récipient hermétique et en mesurant le taux d’humidité de l’air à l’intérieur avec des appareils de mesure sensible appelés hygromètres. Ils ont constaté que l’humidité, juste au-dessus de l’ouverture de la fleur, était légèrement plus élevée que les niveaux ambiants, causée en partie par un panache de vapeur d’eau émanant du tube de nectar de la fleur.

Pour étudier si et comment les papillons répondent à cette humidité qui s’évapore du nectar de la plante, l’équipe de recherche a disposé des fleurs artificielles qui exclue tout autre signal potentiel autre que le taux d’humidité, dans une cage assez grande pour laisser les papillons voler librement.

Même si aucune des fleurs artificielles n’avait de nectar, les papillons de nuit établissaient préférentiellement un vol stationnaire et étiraient leur trompe dans celles qui avaient une humidité légèrement surélevée par rapport à celles qui correspondaient à l’humidité ambiante. Les insectes étaient capables d’évaluer l’humidité, à proximité d’une fleur, aussi faible que 4% au-dessus de l’humidité ambiante dans la cage de vol, en dépit de la turbulence générée par les nombreux papillons planant autour.

Les résultats aideront les chercheurs à mieux comprendre les relations écologiques entre les fleurs et leurs pollinisateurs, en particulier dans les milieux arides comme le sud-ouest des États-Unis.

Même si la plupart des relations plantes-pollinisateurs sont mutuellement bénéfiques, la plante récompensant l’aide des pollinisateurs avec de la nourriture, leurs intérêts sont contradictoires.

Selon les explications de von Arx :

En terme d’évolution, la fleur veut être visitée par un pollinisateur, mais elle ne veut pas trop s’investir, car sacrifier les ressources et l’énergie pour faire le nectar est couteux. Souvent, les plantes sont malhonnêtes dans leur publicité, en présentant de belles fleurs sans nectar.

Mais dans certaines circonstances, en particulier dans les environnements désertiques, où l’eau est rare, il est bon pour une fleur d’être honnête, pensent les chercheurs.

Selon von Arx, l’humidité relative joue un rôle important dans le monde des insectes et a été associée au choix d’un habitat convenable, mais n’a jamais été étudiée dans le contexte de la recherche de nourriture, le nectar. Par exemple, des expériences neurobiologiques ont révélé que les cafards sont en mesure de détecter les changements d’humidité d’une fraction d’1 %.

Les résultats aideront les chercheurs à mieux comprendre les relations écologiques entre les fleurs et leurs pollinisateurs, en particulier dans les milieux arides comme le sud-ouest des États-Unis.

Toujours selon von Arx :

En tant que créatures qui utilisent la vision et l’olfaction, l’homme pense en terme d’odeurs, de formes et de couleurs, nous sommes loin d’être efficaces dans ce que nous pouvons percevoir. Nous savons que les papillons ont des “hygrorecepteurs” basées dans leurs antennes, mais ils restent un mystère. Nous en savons beaucoup sur les récepteurs olfactifs, mécanorécepteurs et de la vision. L’œil des insectes a été étudié en long et en large. Mais l’hygroreception ? Nous ne savons toujours pas vraiment comment cela fonctionne réellement.

L’annonce de la découverte sur le site de l’université d’Arizona : Got Nectar ? To Hawkmoths, Humidity is a Cue.

L’étude publiée sur PNAS : Floral humidity as a reliable sensory cue for profitability assessment by nectar-foraging hawkmoths.

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