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Jambo(Pan troglodytes)

L’humanité a fait de grands progrès conceptuels et technologiques depuis nos premiers pas sur Terre. Grâce à notre capacité à nous développer à partir des idées des autres, nous sommes passés de l’abaque à l’ordinateur, de la roue à la voiture moderne, et à partir d’observations simples sur le monde à notre connaissance actuelle des lois de la nature et de l’univers. Cette capacité à accumuler des connaissances et à les améliorer, est dénommée "la culture cumulative," (ou encore acculturation) et est unique à l’homme.

L’évolution de la culture cumulative est le processus par lequel les traits culturels actuels sont affinés et améliorés pour les rendre plus complexes ou efficace.

Certains prétendent que cette “accumulation” d’idées est le résultat d’une capacité cognitive particulière, comme la langue ou la prosocialité, qui favorise habituellement l’adaptation de l’individu à la société et qui est unique à, ou particulièrement fréquente, chez les êtres humains. D’autres croient que certains aspects sociaux d’autres espèces, telles que la tendance aux parasitismes, pourraient les empêcher de bâtir à partir des idées de chacun, comme nous le pouvons. Une nouvelle étude publiée cette semaine (lien plus bas) donne à penser que quelques différences de traits peuvent en fait être responsables de notre succès grâce à la culture cumulative.

Image d’entête : l’être humain est parfois appelé singe nu. Mais, malgré la perte de ces poils dans sa jeunesse, cela ne fait de ce chimpanzé (Jambo, Twycrosss Zoo) un être humain.

Les chercheurs ont utilisé trois espèces dans leurs expériences : les chimpanzés, les singes capucins et les humains (les enfants humains spécifiquement, pour minimiser l’impact de la culture). L’idée était de comparer l’homme avec deux espèces étroitement apparentées qui ont des traditions culturelles, mais pas de culture cumulative.

Lewis Dean de l’université St Andrews (Ecosse) a utilisé une boite puzzle qui nécessitait trois actions consécutives pour être ouverte complètement. L’idée était de mesurer comment les groupes, de chacune des espèces, effectuaient une tâche à étapes successives, qui reflète l’acquisition cumulative des connaissances. Dans la première étape, les sujets (en groupe) devaient déplacer une porte coulissante afin de révéler un compartiment avec une friandise convoitée, une carotte. Puis, ils avaient besoin d’appuyer sur un bouton qui permet à la porte de coulisser davantage pour révéler une friandise encore plus désirable, de la pomme. Enfin, dans la troisième étape, ils durent tourner une molette pour finir de faire glisser la porte, révélant une dernière du raisin. Pour les enfants humains, les friandises étaient sous la forme de différents types d’images autocollantes.

Ci-dessous : la description de la boite puzzle à compartiments de récompenses successifs et plus bas, 2 enfants essayant de découvrir les mécanismes d’ouverture.

boite-puzzle

enfant-boite-puzzle

Bien que chaque groupe ait travaillé avec la boite, les chercheurs ont plus particulièrement observé les instances à partir d’un ensemble de comportements spécifiques. Ils ont ensuite établi une corrélation entre la fréquence de chaque comportement avec le niveau que chaque espèce avait obtenu avec la boite puzzle. Les comportements qui étaient fréquents dans les groupes qui ont progressé à travers la plupart des étapes étaient sensiblement les mêmes que celles qui favorisent la culture cumulative.

Après 53 heures avec la boite puzzle, juste un singe capucin avait atteint la deuxième étape (la pomme), et aucun n’a accompli la troisième étape (le raisin). Les chimpanzés ont à peine mieux réussi : un seul a atteins la troisième étape, et seulement quatre de plus avaient atteint le stade deux. Comme prévu, il n’y avait pas de preuve que ces espèces sont capables de culture cumulative. Pendant ce temps, après seulement 2h30 d’exposition à la boite puzzle, plus de 60 % des enfants de 3 et 4 ans avait résolu la troisième étape.
 
Alors, qu’est-ce qui distingue la performance humaine de celle des autres primates ? Les chercheurs ont constaté que plusieurs comportements semblaient faire la différence, tant en termes de vitesses de progression de chaque espèce et quels individus, au sein de chaque espèce, étaient le plus performant.

Ce n’est que dans les groupes humains que les chercheurs ont été témoin d’un comportement d’apprentissage, soit par le langage ("Appuyez sur ce bouton") ou par les gestes. En outre, les enfants qui ont reçu le plus d’instruction étaient plus susceptibles d’atteindre la troisième phase. Les chercheurs ont également constaté que la "correspondance" (quand un participant prenant la boîte imite ce que le dernier individu en a fait), eu un grand impact sur les progrès accomplis. Une des mesures importantes de prosociabilité consistait à savoir combien de fois, plus d’un individu manipulait la boite en même temps. Ces cas peuvent être interprétés comme de la coopération ou au moins, de la tolérance. Les êtres humains ont effectué des manipulations sur la boîte beaucoup plus souvent que les chimpanzés ou les capucins.

Il n’y a aucune preuve que la cognition non sociale ou tout autre aspect de la structure sociale comme le parasitisme (chapardage) ou la hiérarchie sociale, aient affecté la performance.

Bien qu’il n’y ait pas de mesure quantitative, les chercheurs ont noté que les humains ont tendance à s’approcher de la boîte d’une manière très différente de celle des capucins ou des chimpanzés. Les enfants ont utilisé la boîte ensemble, s’entraidant et partageant les récompenses, pendant ce temps, les autres espèces de primates semblaient interagir avec la boîte uniquement dans le but de se procurer des ressources.

Il y a évidemment des lacunes dans cette recherche, les expériences ont eu lieu dans des conditions artificielles, et "l’augmentation constante" de chaque idée a dû se produire sur une échelle de temps très court. Cependant, cela nous donne une idée des traits qui sont susceptibles de contribuer à la culture cumulative sur une beaucoup plus grande, et plus difficile à étudier, échelle.

L’étude publiée sur Science AAS : Identification of the Social and Cognitive Processes Underlying Human Cumulative Culture.

 

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