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sperm-Graphoderus liberus

Quand Dawn Higginson apprit que certains dytiques produisent des spermatozoïdes qui fusionnent à la base de la tête comme des frères siamois, elle trouva cela très curieux. Mais lorsque la chercheuse de l’université d’Arizona a commencé à se demander pourquoi de tels gamètes réunis se sont formés, les choses sont devenues encore plus étranges.

Image d’entête : Les spermatozoïdes du dytique, Liberus Graphoderus, sont reliés entre eux par paires ou en agrégats pouvant réunir jusqu’à 20 spermatozoïdes. Travailler ensemble peut aider le sperme à mieux s’ancrer dans l’appareil reproducteur de la femelle.

Le sperme de l’insecte sous-marin, qui tire son nom de sa capacité à nager sous l’eau, se produit dans de nombreuses formes. Alors que quelques espèces produisent des spermatozoïdes avec une forme standard en têtard, d’autres génèrent des spermatozoïdes qui s’empilent comme des cônes de circulation/déviation pour former de longs et nombreux filaments. Certaines espèces produisent même deux types de spermatozoïdes qui travaillent ensemble pour naviguer à travers le conduit de fécondation de la femelle (image d’entête et 3es images, ci-dessous, de l’Hygroutus sayi ).

Ci-dessous : Le spermatozoïde de la grenouille verte des arbres (Rhacophorus arboreus – Japon) est enroulé en 20 bobines dans le sens antihoraire. Dans la partie inférieure du sperme (photo), les larges bobines, qui contiennent du matériel génétique de la cellule, entourent les bobines intérieures qui soutiennent l’acrosome, la tête du spermatozoïde qui pénètre l’ovule lors de la fécondation. Le fouet de la queue du spermatozoïde provoque son déplacement dans un mouvement inverse en spirale.

Rhacophorus arboreus-sperm

Ci-dessous : Les spermatozoïdes de l’Acérentomon microrhinus (un insecte hexapode) n’ont pas la queue “à fouet” commune aux spermatozoïdes d’autres espèces, et sont immobiles. Chez d’autres espèces, les spermatozoïdes sans queue prennent la forme de disque, coussin, et des formes amiboïdes. Ces formes ne pourraient, théoriquement, qu’évoluer chez les espèces où les femelles sont monogames et où il y a peu ou pas de concurrence entre le sperme des différents mâles.

Acerentomon microrhinus-sperm

“Nous essayons de comprendre pourquoi sur Terre cela se ferait ?" dit Higginson. “Il faut beaucoup d’énergie et des mécanismes spécialisés."

Dans une étude, publiée le 7 février dans les Actes de l’Académie nationale des sciences (lien plus bas), Higginson et ses collègues supposèrent que le choix des femelles pourrait effectivement jouer un rôle dans l’évolution des étranges morphologies des spermatozoïdes. Les organes reproducteurs femelles du dytique se déclinent en plusieurs tailles et formes tortueuses différentes, selon Higginson. Tout comme les préférences des paonnes ont formé chez les paons une magnifique queue, Higginson pense que les tours et les détours complexes des voies sexuelles des coléoptères femelles agissent comme un parcours d’obstacles où seul le sperme le plus adapté pourrait naviguer.

Ci-dessous : Le coléoptère plongeur, Hygroutus sayi, produit deux types de spermatozoïdes : l’un a une tête large et une queue courte et l’autre a une tête filandreuse et une longue queue. Pour construire la forme présentée ici, des centaines de spermatozoïdes brachycéphales se sont empilés dans le squelette du filament, et des centaines d’autres se sont joints à eux pour fournir la locomotion.

Hygroutus sayi-sperm

Alors, elle et son équipe ont analysé s’il y avait des corrélations entre la forme de l’appareil reproducteur des femelles et la morphologie des spermatozoïdes à travers 42 espèces de dytiques.

Ils ont constaté que, dans les espèces où l’appareil reproducteur féminin est court et large, les spermatozoïdes sont plus susceptibles de fonctionner ensemble dans des formes d’association. Chez les espèces où l’appareil reproducteur féminin est long et mince, le sperme de cette espèce a tendance à voyager seul. Higginson émet l’hypothèse que cette différence puisse se produire car, alors que le sperme nage en solo à travers le mince appareil reproducteur, leur flagelle peut accrocher les parois, ce qui leur permet de s’ancrer ou de pousser les parois pour atteindre l’ovule non fécondé, plus rapidement qu’un groupe de spermatozoïdes le ferait. Dans des appareils reproducteurs plus larges, les longs spermatozoïdes associés ont plus de facilité pour se propulser en repoussant la paroi plus lointaine.

Ci-dessous : le spermatozoïde d’un termite (Mastotermae darwiniensis) était, en 1978, les premiers animaux découverts ayant des queues multiples, ou flagelles. Chaque spermatozoïde a environ 100 flagelles qui sont “faiblement mobiles." La signification adaptative, d’avoir autant de queues, n’est pas définie.

Mastotermes darwiniensis

Ci-dessous : les modifications de la tête en forme de crochets apicaux présentés ici dans le sperme de la souris commune (Mus musculus) ont tendance à être trouvées dans les espèces où les spermatozoïdes de plusieurs mâles se font concurrence les uns avec les autres, avec acharnement, pour atteindre l’ovule non fécondé. Leur utilisation reste inconnue, mais dans certaines espèces de rongeurs, le crochet permet aux spermatozoïdes de s’associer en rouleaux.

Mus musculus-sperm

Des études antérieures ont trouvé des preuves que la forme de l’appareil reproducteur femelle peut induire des traits simples chez le sperme, comme la longueur de la queue ou la forme de la tête, mais la recherche d’Higginson est la première à examiner comment les femelles pourraient influencer la coopération entre les spermatozoïdes, dit Tommaso Pizzari, un zoologiste qui étudie la sélection sexuelle à l’université d’Oxford en Angleterre.
“Le fait que les spermatozoïdes aient à unir leurs forces pour se rendre à l’œuf crée une énigme évolutive”, dit-il, parce que les intérêts de l’évolution du mâle et les intérêts de son sperme ne sont pas toujours dans le même alignement. Un mâle est également lié à l’ensemble de son sperme, alors son aptitude évolutive est renforcée si l’un d’eux est capable de féconder l’ovule. Son sperme cependant, ne partage que 50 % environ de leurs gènes avec les autre, de sorte que chaque spermatozoïde subit une concurrence acharnée pour être celui qui fertilisera l’ovule. "Il se peut que le risque qu’un autre mâle insémine les femelles augmente, les intérêts du mâle et du sperme se sont alignés entre eux," selon Pizzari. Il espère que les futures études détermineront s’il existe une corrélation entre le type d’accouplement et l’association des spermatozoïdes à travers l’espèce des coléoptères.

La compétition spermatique et les conflits entre mâles et les intérêts des femelles, ainsi que la loi aléatoire du hasard ont conduit à une multitude d’adaptations du sperme chez les animaux exotiques .

Sur le même thème, mais lié au pénis, vous avez les études qui sondent l’horreur de la sexualité chez les canards. (vidéos).

L’étude publiée sur le site peer-reviewed PNAS : Female reproductive tract form drives the evolution of complex sperm morphology, photos à partir du Scientific american.

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