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épinoche-Ténia

Une épinoche se dirige vers un bain chaud. Alors que ses congénères préfèrent nager dans l’eau tiède à environ 16 °C, cet individu l’aime chaude. Ce n’est pas en raison d’une préférence personnelle, il serait plutôt piloté par un parasite. Un ténia s’est logé dans ses entrailles et il a besoin de températures plus chaudes pour croitre autant que possible. L’épinoche devient devient, en quelque sorte, un véhicule vivant animé par le ver qui le conduit vers la piscine chauffée qu’il préfère.

Le ténia des oiseaux Schistocephalus solidus, comme de nombreux parasites, a un cycle de vie complexe. Comme son nom l’indique, il infecte les oiseaux et particulièrement ceux qui vivent près de l’eau. Il se reproduit dans l’intestin de son hôte et ses œufs tombent dans l’eau avec les excréments de l’oiseau. Là, ils éclosent en larves qui infectent des petits crustacés appelés copépodes. Ces derniers sont ensuite mangés par les épinoches, qui sont, à leur tour, mangés par les oiseaux. Une fois à l’intérieur de son hôte définitif (de nouveau), le ténia peut murir en un adulte et pondre de nouveau. C’est un peu le même cycle qu’un autre parasite contrôleur d’esprit, le californiensis Euhaplorchis que je décrivais dans mon article : un parasite qui contrôle l’esprit des poissons après avoir castré des escargots.

Pour s’assurer qu’il termine son cycle de vie, le ténia manipule le comportement de son hôte l’épinoche. Le poisson-zombi n’a plus peur, il est plus susceptible de se baigner seul et moins susceptible de fuir un prédateur. Avec une telle attitude de laissez-faire, il est inévitablement mangé par un oiseau.

Mais le parasite a besoin d’autre chose de l’épinoche, le temps de grandir. Ils doivent arriver à un poids de 50 milligrammes pour être sûrs de réussir à infecter un oiseau. Au-delà, plus ils sont lourds, plus ils peuvent pondre des oeufs. Le poisson, bien évidemment, préfèrerait un petit ver se tortillant dans son corps, plutôt qu’un grand. Les parasites peuvent devenir si grands qu’ils l’emportent sur leurs hôtes, dont les ventres sont gonflés et distendus par leurs indésirables passagers (photo d’entête).

Vicki Macnab et Iain Barber de l’Université de Leicester (Angleterre) ont révélé que la température est le facteur décisif dans ce conflit d’intérêts. À 15 °C, le ver obtient un poids moyen de 26 milligrammes en 8 semaines, mais à 20 degrés, il peut atteindre 105 milligrammes. Cette différence de poids a un grand impact sur la future réussite du ver. Le plus petit peut pondre environ 12 000 œufs dans son hôte aviaire finale, mais la plus grande version peut en pondre près de 200 000.

Donc, il est clair que les vers préfèrent la chaleur. Même si le poisson avait tout intérêt à rester en eau froide, où leurs passagers resteront aussi faibles que possible, ils préfèrent nager vers la chaleur. La préférence de température est plus frappante chez les poissons qui abritent les plus petits vers, qui doivent le plus à grossir. Macnab et Barber pensent donc que les vers manipulent le poisson.

Les ténias sont juste un des nombreux parasites qui réussissent le mieux dans des conditions plus chaudes et Macnab et Barber suggèrent que le réchauffement de notre planète pourrait avoir des conséquences imprévues sur l’équilibre délicat entre ces parasites et les hôtes. Après tout, une hausse de seulement cinq degrés peut avoir un impact disproportionné sur la croissance spectaculaire d’un parasite et sa capacité à reproduire les générations futures.

À mon humble avis la nature, malgré tout ce qu’on peut lui faire subir, s’adapte, dans le sens où le parasite n’a pas intérêt à annihiler tous ces hôtes viables, ce qui, à son tour; limiterait la population de parasites…

L’étude publiée sur Wiley : Global change biology : Some (worms) like it hot: fish parasites grow faster in warmer water, and alter host thermal preferences

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