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Les bactéries, qui nous assaillent au cours d’une infection, ne sont jamais exactement les mêmes que celles qui sont entrées dans notre corps au début. Avec la capacité de croître rapidement et d’échanger des gènes, elles peuvent s’adapter rapidement à nos défenses immunitaires et aux médicaments. L’évolution est la meilleure arme que manient les bactéries infectieuses, mais Tami Lieberman et Jean-Baptiste Michel ont trouvé un moyen de la retourner contre elles.Le duo a montré que les adaptations, qui rendent les bactéries plus fortes, peuvent également révéler leurs faiblesses.

Pendant des années, Lieberman et Michel, tous deux de l’école de médecine d’Harvard, rêvaient de suivre l’évolution d’une infection bactérienne. Ils voulaient séquencer les génomes entiers, alors que les microbes évoluaient dans leur hôte pour manipuler les gènes qui les rendent si bons pour provoquer la maladie et qui pourraient être ciblés par des nouveaux médicaments. La technologie génétique est devenue si bon marché et si puissante, qu’ils savaient détenir les bons outils. Ils avaient juste besoin de la bactérie. Idéalement, ils étaient à la recherche de personnes atteintes d’infections, comme la méningite, qui parfois se propagent dans tout le corps. Après une longue attente, le duo s’est rendu compte que les échantillons, dont ils avaient besoin, étaient entreposés dans un congélateur à l’Hôpital pour enfants de Boston.

Les échantillons provenaient d’une triste “expérience naturelle”. A la fin des années 1990, une petite épidémie avait éclaté parmi les patients atteints de fibrose kystique (Mucoviscidose) dans la région de Boston. Cette maladie génétique, empêche les personnes de rejeter le mucus de leurs poumons et de leurs voies respiratoires. En conséquence, les bactéries au départ inoffensives, peuvent causer des infections handicapantes et souvent mortelles, qui durent pendant des années ou des décennies. Celle qui a touché Boston était une souche unique d’un microbe inconnu appelé Burkholderia dolosa. Elle a affecté 39 personnes et l’épidémie a duré 16 ans.

Image d’entête et ci-dessous : culture de la bactérie Burkholderia.

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Le virus était si rare, que le personnel hospitalier a collecté et stocké des échantillons de 14 patients au cours de leurs soins. L’Hôpital pour enfants de Boston les avait dans son congélateur et ils leur en ont transmis 112. Ils comprenaient des échantillons les plus importants de tous : ceux de Patient Zéro, la source de l’épidémie. "C’est exactement ce dont nous avions besoin : des échantillons répétés qui raconteraient l’histoire évolutive d’une bactérie évoluant chez les patients au fil du temps”, explique Michel.

Lieberman et Michel ont séquencé le génome entier de chaque échantillon et construit un arbre généalogique qui a tracé leurs relations évolutives. L’arbre a confirmé que l’épidémie a été causée par une souche unique. Elle a montré le parcours de la Burkholderia alors qu’elle sautait d’un hôte à l’autre et même de leurs poumons à leur sang.

Durant ses voyages, la bactérie a changé de plusieurs façons prévisibles. Par exemple, les médecins traitent souvent les patients atteints de fibrose kystique avec un groupe d’antibiotiques appelés fluoroquinolones. Certains des échantillons ont été deux fois plus résistants à ces médicaments et à d’autres, et ils ont tous partagé des changements dans un gène appelé gyrA. Seules quelques mutations de ce gène confèrent une résistance et chaque souche l’avait acquis indépendamment. Il semble que la Burkholderia a seulement quelques astuces pour résister aux médicaments, mais elle peut les acquérir avec une certaine facilité.

C’était intéressant, mais prévisible. Lieberman et Michel en voulaient plus, ils voulaient trouver les changements qu’ils n’attendaient pas. Ils ont pensé que les bactéries, comme la Burkholderia, font face à des défis similaires dans différents organismes, de sorte que les gènes qui sont les plus critiques, pour réussir une infection, auront tendance à changer de façon similaire. Pour les trouver, le duo a cherché dans leurs échantillons les gènes qui avaient acquis de manière indépendante les mêmes changements dans différents patients. Ils en ont trouvé des dizaines, mais 17 en particulier, avaient entrepris trois ou plus des mêmes mutations. Il était clair que ces 17 ont fait l’objet d’une pression évolutive intense. Les gènes contiennent des instructions pour la fabrication des protéines et seulement quelques mutations modifient ces instructions, le reste est neutre. Dans ces 17, Lieberman et Michel ont constaté que les importantes instructions de mutations étaient plus nombreuses que celles neutres par 18 fois.

Parmi ces 17 gènes, plusieurs avaient, sans surprise, comme fonction de résister aux antibiotiques. Mais six d’entre eux, y compris le plus muté, étaient d’inattendus coupables. Ils n’avaient jamais été impliqués dans la maladie avant et personne ne sait ce qu’ils font. Tout ce que nous savons, grâce à cette étude, c’est qu’ils sont impliqués dans les infections. En étudiant ces six secrets, nous pouvons espérer en apprendre davantage sur la façon dont la Burkholderia s’implante dans ses hôtes, afin de trouver de nouvelles façons de la traiter.

L’étude est délicieusement impartiale. “Nous n’avons pas eu à tester des mutations dans des gènes spécifiques”, explique Michel. "Nous avons tout simplement à découvrir où agit la sélection, parfois dans des endroits inattendus. Cela nous en dit beaucoup sur ce qu’est la vie des bactéries dans le corps humain et elle nous aide à trouver de nouvelles façons de la leur rendre plus dure. "

Alors que la technologie génétique devient encore moins chère, les scientifiques pourraient éventuellement utiliser ces techniques pour étudier l’évolution d’une épidémie en temps réel, ou encore la progression d’une infection spécifique chez un seul patient. "Je pense que nous sommes clairement dans cette direction”, explique Michel.

Le principal obstacle est la connaissance, plutôt que la technologie. “Nous en savons si peu sur l’adaptation génétique subtile de la bactérie au cours des maladies que je ne suis pas sûr que nous serions en mesure d’utiliser immédiatement ces connaissances en clinique. À quoi pourrions-nous les comparer ? C’est là que notre étude et d’autres interviennent”, déclare Michel. Lieberman ajoute: «J’espère que notre étude va inspirer l’augmentation dans le stockage des échantillons pathogènes cliniques et environnementaux. La capacité d’appliquer ces méthodes à d’autres maladies dépendra de la richesse des échantillons disponibles. "

L’étude publiée sur Nature : Parallel bacterial evolution within multiple patients identifies candidate pathogenicity genes.

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