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Une étude, utilisant un procédé appelé l’illusion de la main en plastique, a révélé  de nouvelles preuves que les personnes schizophrènes ont un sens affaibli des propriétés de leur corps et a produit le premier cas spontanée, d’une expérience de “décorporation” dans un laboratoire.

Monsieur “RM” a eu sa première expérience extra-corporelle à l’âge de 16 ans. Maintenant, à l’âge de 55 ans, il en a eu plus qu’il ne peut compter. Elles se produisent habituellement juste avant qu’il s’endorme ; pendant dix minutes, il se sent comme s’il flottait au-dessus de son corps, regardant vers le bas et se voyant lui-même. Si la même chose arrive quand il est éveillé, c’est une histoire beaucoup moins tranquille. Le sens de déplacement est plus fort, il ressent son corps comme si c’était une marionnette, alors qu’il se sent comme un marionnettiste. Ses sentiments d’élévation se transforment en un délire religieux, dans lequel il s’imagine parler aux anges et aux démons. Des épisodes psychotiques s’en suivent. Après quatre ou cinq jours, RM est hospitalisé.

Cela s’est passé 15 à 20 fois, avant que RM ne soit diagnostiqué schizophrène à l’âge de 23 ans. Il entend des voix et il souffre d’hallucinations et de délires. Malgré ces problèmes, il est très éloquent et a un QI de 120. Il a réussi à garder un emploi en tant que journaliste jusqu’en 2002 et plus récemment, il a travaillé dans des restaurants et comme archiviste bénévole. Puis, il y a un an, il a pris part à une étude qui semble avoir changé sa vie.

Pendant une dizaine d’années, RM a participé à plusieurs études conçues par Sophee Park, une neuroscientifique de l’Université Vanderbilt (une université privée américaine), qui travaille sur la schizophrénie. "C’est un gars très intéressant”, explique Park. "Il a un aperçu très profond de sa condition."

L’une des étudiantes de Park, Katharine Thakkar testait l’idée que les gens avaient des épisodes psychotiques, parce qu’ils ont une faible estime de soi. C’est une idée que d’autres ont suggéré avant, mais cela semblait quelque chose de difficile à tester par des expériences. Au cours de la dernière décennie, les psychologues ont montré que notre sentiment de soi est loin du sentiment fixe et permanent, que nous supposons qu’il est. Au lieu de cela, il est assez malléable. Vous pouvez le tordre. Vous pouvez l’étudier. Notre cerveau construit en permanence notre sens de soi à l’aide des informations de nos yeux, de la peau et des articulations. En transformant cette information en utilisant des illusions simples, les scientifiques ont déformé et déplacé notre sens de soi dans un laboratoire.

La plus célèbre d’entre elles, l’illusion de la main en plastique, a débuté lors d’une fête d’Halloween, elle est maintenant, notamment, utilisée pour les personnes souffrant du Membre fantôme. Les scientifiques de Princeton caressaient une main en caoutchouc, en même temps que la vraie main d’une personne, celle-ci placée hors de la vue du cobaye. Quelques secondes plus tard, le bénévole avait véritablement cru que la main en caoutchouc lui appartenait. Depuis lors, des scientifiques comme Henrik Ehrsson ont placé l’illusion vers de nouveaux extrêmes, comme convaincre les gens qu’ils avaient gagné un troisième bras, un corps de géant ou inversement, voir mon article : l’illusion d’Alice : des scientifiques persuadent des personnes qu’ils sont des géants ou des poupées.. Mais l’illusion de la main en caoutchouc s’avère encore utile.

Sophee Park, de l’Université Vanderbilt :
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Thakkar  a effectué l’effet sur les 24 personnes souffrant de schizophrénie, y compris RM et leur a demandé de décrire leurs expériences sur un questionnaire. Leurs réponses ont révélé qu’elles avaient éprouvé l’illusion plus fortement que 21 personnes d’un âge similaire, mais ne souffrant pas de schizophrénie.

Pour confirmer tout cela, Thakkar a testé, pour déterminer d’autres signes que les personnes avaient durant l’illusion : le sentiment que leurs doigts avaient bougé et une baisse de la température de leur main réelle. Elle a trouvé les deux et le plus souvent chez les personnes atteintes de schizophrénie. Les résultats suggèrent que la schizophrénie est accompagnée d’un sentiment plus faible ou plus souple de la propriété du corps, qu’à la normale. En effet, Thakkar a constaté que les gens qui ont vécu les hallucinations les plus sévères (et quelques délires) ont également estimé que l’illusion de la main en plastique était la plus forte.

Mais même parmi le groupe souffrant de schizophrénie, RM sorti du lot. Les caresses synchrones ne l’ont pas seulement convaincu qu’il avait une main en caoutchouc, cela l’a amené à une expérience de décorporation (hors du corps). Il sentait que lui et Thakkar étaient tous deux en lévitation à quelques mètres du sol : se déplaçant vers le plafond, en tournant dans un cercle et se regardant sur leurs chaises. L’effet a duré quelques minutes, avant de revenir dans son corps. D’autres ont dupliqué cet effet dans le laboratoire, mais avec une installation plus complexe, impliquant des caméras et des casques de réalité virtuelle.

RM était inquiet qu’un épisode psychotique survienne, mais l’équipe de Park n’avait aucune idée de son histoire et il n’en a pas fait mention. “Nous étions tellement excités quand c’est arrivé la première fois et il est très utile”, explique Park. Quand ils lui ont demandé de revenir et de répéter l’expérience, il a accepté. Il voulait aussi, en savoir plus.

Quand il revint, Thakkar a dupliqué la même expérience et cette fois, RM a effectivement trouvé l’expérience assez agréable et voulait revivre ce sentiment. C’est alors qu’il évoqua son histoire aux scientifiques. “Nous étions vraiment inquiets, car nous l’avions déjà fait 2 fois !" Rappelle Park. Mais elle n’a pas eu besoin de s’inquiéter.

Après l’expérience, RM voulut en savoir plus, alors Thakkar lui fournit des articles d’informations et de revues sur les expériences de sortie du corps. Il a appris que le phénomène a un nom. Il a appris que les scientifiques ont pu reproduire l’effet dans un laboratoire. Il a appris qu’ils avaient identifié les parties du cerveau qui sont associées à ces expériences. L’information a été révélatrice. "Il a eu la cause psychologique de ce phénomène en apparence surnaturel”, explique Park et il a utilisé ces connaissances pour contrôler ses symptômes. Depuis lors, RM n’a pas eu un épisode psychotique.

Cette approche ne fonctionne pas pour tout le monde, gardez à l’esprit que RM à une conscience élevée de lui même. Park note que des explications similaires pourraient également aider d’autres personnes avec des expériences inhabituelles, comme celles de sorties du corps, car ceux-ci pourraient aggraver les symptômes de la schizophrénie chez d’autres. "Ce sentiment surnaturel peut venir nourrir ses délires”, dit-elle.

L’étude a des implications plus larges pour aider les personnes atteintes de schizophrénie. Les activités qui favorisent un sentiment de prise de conscience du corps, telle que le yoga, la danse ou jouer d’un instrument de musique pourrait aider à soulager certains des symptômes de la schizophrénie.

Mais pour RM, il semble que l’apprentissage sur sa condition était suffisante. Un an plus tard, son diagnostic est inchangé, il a toujours des expériences de décorporation et il entend encore des voix. Mais il est révolu le temps où ses expériences lui valaient d’effectuer un séjour dans un hôpital. Il espère, maintenant, s’établir en tant que pigiste. Pour lui, la connaissance s’est avérée être un traitement puissant. Il faut souligner que RM à toujours suivi et peut être pour toute sa vie, un traitement pour soulager ses symptômes.

Le détail de cette recherche sur le site de l’université Vanderbilt : Putting the body back into the mind of schizophrenia.

L’étude publiée sur PlosOne : Disturbances in Body Ownership in Schizophrenia: Evidence from the Rubber Hand Illusion and Case Study of a Spontaneous Out-of-Body Experience.

 

Source et Source

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